Georges Brassens Le bulletin de santé Supplique pour être enterré à la plage de Sète (1966) 1/2 ton vers Eros A(/E) e f♯ g♯ A C♯7 J'ai perdu mes bajoues, j'ai perdu ma bedaine D C♯7 Et, ce, d'une façon si nette, si soudaine F♯m D Qu'on me suppose un mal qui ne pardonne pas B7 E7 A e f♯ g♯ Qui se rit d'Esculape et le laisse baba Le monstre du Loch Ness ne faisant plus recette Durant les moments creux dans certaines gazettes Systématiquement, les nécrologues jouent À me mettre au linceul sous des feuilles de chou Or, lassé de servir de tête de massacre Des contes à mourir debout qu'on me consacre Moi qui me porte bien, qui respire la santé Je m'avance et je crie toute la vérité Toute la vérité, messieurs, je vous la livre Si j'ai quitté les rangs des plus de deux cents livres C'est la faute à Mimi, à Lisette, à Ninon Et bien d'autres, j'ai pas la mémoire des noms Si j'ai trahi les gros, les joufflus, les obèses C'est que je baise, que je baise, que je baise Comme un bouc, un bélier, une bête, une brute Je suis hanté: le rut, le rut, le rut, le rut ! Qu'on me comprenne bien, j'ai l'âme du satyre Et son comportement, mais ça ne veut point dire Que j'en ai le talent, le génie, loin s'en faut ! Pas une seule encore ne m'a crié « bravo » Entre autres fines fleurs, je compte, sur ma liste Rose, un bon nombre de femmes de journalistes Qui, me pensant fichu, mettent toute leur foi À me donner du bonheur une dernière fois C'est beau, c'est généreux, c'est grand, c'est magnifique Et, dans les positions les plus pornographiques Je leur rends les honneurs à fesses rabattues Sur des tas de bouillons, des paquets d'invendus Et voilà ce qui fait que, quand vos légitimes Montrent leurs fesses au peuple ainsi qu'à vos intimes On peut souvent y lire, imprimés à l'envers Les échos, les petits potins, les faits divers Et si vous entendez sourdre, à travers les plinthes Du boudoir de ces dames, des râles et des plaintes Ne dites pas: « C'est tonton Georges qui expire » Ce sont tout simplement les anges qui soupirent Et si vous entendez crier comme en 14 « Debout ! Debout les morts ! » ne bombez pas le torse C'est l'épouse exaltée d'un rédacteur en chef Qui m'incite à monter à l'assaut derechef Certes, il m'arrive bien, revers de la médaille De laisser quelquefois des plumes à la bataille Hippocrate dit: « Oui, c'est des crêtes de coq » Et Gallien répond: « Non, c'est des gonocoques » Tous les deux ont raison: Vénus parfois vous donne De méchants coups de pied qu'un bon chrétien pardonne Car, s'ils causent du tort aux attributs virils Ils mettent rarement l'existence en péril Eh bien, oui, j'ai tout ça, rançon de mes fredaines La barque pour Cythère est mise en quarantaine Mais je n'ai pas encore, non, non, non, trois fois non Ce mal mystérieux dont on cache le nom Si j'ai trahi les gros, les joufflus, les obèses C'est que je baise, que je baise, que je baise Comme un bouc, un bélier, une bête, une brute Je suis hanté: le rut, le rut, le rut, le rut ! E7 A!